CARNET DE CAVE N°19
Où l’on parle des vins du Château Yon-Figeac (Saint-Emilion grand cru classé), du Domaine Gresser (Alsace) et des Vignobles Michel Gonet (Champagne et Bordelais).
Discret et fiable
Au cœur du plateau de Saint-Emilion, le Château Yon-Figeac pointe son toit aigu au-dessus d’un confortable vignoble, qui frôle les 25 hectares, en un seul tenant. Il recouvre un sol argilo-sableux contenant des traces ferrugineuses - la fameuse crasse de fer, qui nous rappelle le voisinage de Pomerol. Ce Saint-Emilion grand cru classé a été racheté en 2005 par l’industriel Alain Château, que sa passion du vin a reconverti aux tâches infiniment multiples du métier de vigneron. La propriété faisait partie d’un lot qui comprenait aussi deux prestigieux domaines angevins, le Château Bellerive (Quarts de Chaume) et le Château de la Guimonière (Coteaux du Layon-Chaume). Alain Château leur a consacré de gros efforts de rénovation, avant d’en céder récemment l’exploitation aux Caves de la Loire.
Le charme tranquille du Château Yon-Figeac
Le cru se range dans la catégorie des vins élégants et bien élevés. En primeur, le Château Yon-Figeac 2018 apparaît odorant et lisse, tout en aimable rondeur, sans la moindre lourdeur. On retrouvait ce profil avenant chez ses prédécesseurs, dans la souplesse du 2016, dans le côté flatteur et sans aspérités du 2015. Le millésime 2013, déjà un peu oublié, confirme cette tendance harmonieuse : arômes délicats et enveloppants, corps léger et fin, bouche soyeuse. Discrètement mais résolument, Alain Château creuse ainsi son sillon, avec une indéniable régularité de style.
Sur les pentes du Wiebelsberg
Rémy Gresser possède un hectare de ce monument naturel (le cru, au total, en couvre une douzaine). Ses vignes, d’âge vénérable, sont cultivées en biodynamie. Son Riesling grand cru Wiebelsberg vieilles vignes 2002 a tout du grand séducteur. Il découvre d’abord l’éclat de sa robe dorée, de teinte profonde, puis enchaîne sur un bouquet renversant, à dominante végétale, où se faufilent chèvrefeuille, verveine, thym et fleur d’aubépine. La bouche est suave, aromatique à souhait, d’un toucher voluptueux, mais sous-tendue par une fine trame minérale. Passe comme un nuage de douceur parfumée, de nervosité accomplie, qui laisse son long sillage au palais du dégustateur ...
De la craie aux graves
Avize, berceau de la famille Gonet
Au cours de la décennie 80, les Gonet se tournèrent vers Bordeaux, à l’image d’autres Champenois tels que le Rémois Alain Thiénot ou la famille Gardinier. Après la craie, les graves … En 1986, le Château Lesparre, dans les Graves de Vayres, fut leur première acquisition. La propriété a largement évolué et, au fil des millésimes, elle dégage de vraies réussites. Comme ce Grand Vin du Château Lesparre 2015 (majorité de merlot, sélection de parcelles et de vieilles vignes), droit, savoureux, sachant concilier matière et vivacité. Mais l’aventure girondine a poussé les fils Gonet de l’autre côté de la Garonne, dans le secteur des Graves. Et notamment dans l’appellation Pessac-Léognan, avec le Château Haut-Bacalan à Pessac, et le Château d’Eck à Cadaujac.
Travaux à l'ancienne au Château d’Eck
Le Château d’Eck mérite un certain regard. En bordure de l’autoroute A63, au sortir de Bordeaux, ce château surgit un peu comme une apparition. Belle bâtisse médiévale (XIe siècle) magnifiquement conservée, il offre le sublime coup d’œil de sa silhouette millénaire, immuable au milieu des vignes, à touche-touche avec notre civilisation pressée et son vacarme automobile. Au-delà de ce contraste saisissant, le domaine s’attache à produire un vin soigné et policé (majorité de merlot, pointe de petit verdot). Même si la dégustation en primeur, du rouge comme du blanc (2018, 2016), n’est pas toujours facile, le Château d’Eck rouge 2015 se distingue par son approche aimable et charnue.
Tous droits réservés © 2019, Michel Mastrojanni (texte et photos)